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25 mai 2013 6 25 /05 /mai /2013 19:04

L’homoparentalité ne va pas contre l’intérêt de l’enfant

Malgré la promulgation de la loi, les opposants au " mariage pour tous " continuent d’appeler à la mobilisation en brandissant l’un de leurs arguments favoris : celui de « l’intérêt de l’enfant » qui pâtirait, selon eux, de grandir dans un contexte homoparental. Il faut tordre le cou à cette assertion.

Notre analyse de près de 80 publications scientifiques centrées sur le développement de l’enfant en famille homoparentale ne permet, en aucune manière, d’affirmer qu’il y aurait des conséquences néfastes pour les enfants. Si ces travaux relèvent, parfois, des situations de difficultés par rapport aux enfants élevés dans un environnement dit « classique », ils montrent, tout autant, des situations parfois bénéfiques. Et surtout, dans la grande majorité des cas, une absence totale de différences !

Il y a quarante ans, les premières études américaines portaient sur la dangerosité des « homoparents ». À une époque où l’homosexualité était assimilée à une pathologie mentale et sanctionnée pénalement, ces travaux s’intéressaient surtout à l’orientation que pouvait prendre l’enfant du point de vue de son développement psychosexuel : devenait-il lui-même plus souvent homosexuel ? La question était d’autant plus prégnante que l’on faisait un lien, à l’époque, entre homosexualité et pédophilie… Or, les résultats de ces études sont constants : il n’y a pas d’effet particulier du contexte familial. Proportionnellement, il y a autant de personnes qui déclarent avoir une orientation homosexuelle dans la population en général que chez les enfants élevés en contexte homoparental. Ces recherches ne relèvent également aucune conséquence individuelle particulière que ce soit au plan scolaire, affectif, cognitif ou des relations sociales. Ce seul résultat aurait dû inciter à la prudence ceux qui pronostiquaient, à partir de considérations théoriques, des difficultés pour l’enfant dans la construction de son identité.

Dès lors, les travaux de recherche ont abandonné cette pathologisation des personnes. Les chercheurs s’intéressent désormais à la qualité des relations au sein des familles homoparentales. Ces dernières ne sont plus regardées comme potentiellement à risque, mais plutôt considérées à partir de leur capacité à se confronter à la stigmatisation, à verbaliser en famille des situations relationnelles perçues comme complexes et à accompagner l’enfant dans les étapes de son développement. Un changement de regard tout à fait important. Les études récentes, qui portent spécifiquement sur l’adoption par des couples homosexuels, montrent ainsi que le comportement des enfants est davantage déterminé par l’éducation qu’ils reçoivent que par le fait qu’ils sont élevés par des parents de même sexe.

Il ne s’agit pas de dire que les référents masculins et féminins ne sont pas importants. Il y a, évidemment, chez l’enfant des identifications autour de formes d’identités sexuées. Mais ces identifications ne sont pas portées de manière stricte par la présence de deux pères ou de deux mères. Elles s’intègrent dans une dynamique familiale. On s’aperçoit, de manière constante, que les familles homoparentales cultivent un réseau d’ouverture : parents collatéraux et grands-parents, réseau amical et social... Toute une variété, pour l’enfant, de jeux d’identification qui ne sont pas strictement focalisés sur la famille nucléaire. Que ceux qui prétendent défendre « l’intérêt supérieur de l’enfant » s’interrogent : si un père et une mère sont indispensables pour « faire famille », pourquoi ne remettent-ils pas en cause le droit aux personnes célibataires d’adopter ? On le voit, plutôt que de stigmatiser, il s’agit au contraire d’appréhender l’ensemble des modèles familiaux dans leur richesse et leurs potentialités. Et d’examiner en quoi ils peuvent répondre aux besoins d’un enfant privé de parents.

Benoit Schneider  ( Professeur de psychologie de l’éducation, université de Lorraine) dans lumanite.fr

 


 

"Le modèle “père, mère, enfant” est bien une construction culturelle"

La psychanalyste Geneviève Delaisi de Parseval, affirme qu'au-delà du mariage, c’est l’ensemble des questions de filiation qu’il faut remettre à plat. Elle appelle dans ce contexte à lever l’anonymat des tiers procréateurs.

Geneviève Delaisi de Parseval, psychanalyste et consultante en bioéthique, accompagne des couples hétéros et homos depuis trente ans dans des parcours d’adoption ou d’assistance médicale à la procréation.

Vous faites le constat qu’il n’y a pas de brevet de parentalité. Que le modèle hétérosexuel est une construction culturelle…

Geneviève Delaisi de Parseval. Oui, le modèle familial « père, mère, enfant », le modèle PME, est bien une construction culturelle. Ma première formation, c’est l’anthropologie. Depuis une vingtaine d’années que je travaille sur le sujet, je suis retournée à mes sources. Des anthropologues comme Françoise Héritier (lire l’entretien paru dans notre édition du 18 janvier – NDLR) confirment qu’il s’agit de quelque chose de culturel, qui n’est pas un modèle général dans toutes les cultures et dans tous les temps. Mais ce qui fait famille, c’est l’arrivée d’un enfant. Un enfant a été engendré et/ou élevé par des procréateurs, qui ne sont pas forcément les parents, mais il y a toujours eu des parents. Le psychanalyste anglais Donald Winnicott dit qu’un enfant tout seul, un bébé tout seul, ça n’existe pas, car s’il est tout seul il meurt. Il a besoin de bras dès qu’il sort du ventre de la mère, de bras qui ne sont pas forcément ceux de la mère, mais il a besoin de bras pour vivre. À la différence des autres mammifères, comme un petit poulain ou un petit veau qui se débrouillent tout seuls dès la naissance, qui vont téter le sein de leur mère tout seuls. Le nourrisson humain non. La famille commence là. Qui s’occupe de ce nourrisson qui débarque ?

Le modèle PME – papa, maman, enfant – est pourtant celui que défendent les opposants au projet de loi…

Geneviève Delaisi de Parseval. Je pense que les gens qui ont défilé contre le projet de loi sur le mariage pour tous sont descendus dans la rue pour une cause qui n’est pas vraiment celle du défilé. La vraie question n’est pas l’homosexualité ou l’hétérosexualité, mais plutôt celle de la filiation. Qui est l’enfant de qui ? D’où vient l’enfant ? Est-ce que l’origine, c’est la filiation, l’ADN, la biologie, ou est-ce que l’origine, c’est plutôt quelque chose de l’ordre de l’histoire ? Ce sont deux questions fondamentales et qui n’ont pas été abordées dans le défilé des « anti ». Pourtant, l’homosexualité n’est pas inconnue des gens qui défilent contre, ni les familles recomposées ou monoparentales. D’ailleurs, les questions qui préoccupent les ministres en charge de ce dossier aujourd’hui sont celles soulevées par la procréation médicalement assistée (PMA) pour les lesbiennes puis par la gestation pour autrui pour les couples hommes, qu’il faudra bien aborder au nom du principe de non-discrimination. Personne n’ose trop le dire. Et personne n’est encore au clair sur la question de l’origine.

C’est pour cela que vous souhaitez que les lois de bioéthique soient remises à plat au moment de la discussion sur la PMA aux couples de femmes. Vous demandez d’ailleurs la levée de l’anonymat des tiers procréateurs. Pouvez-vous expliquer cette position ?

Geneviève Delaisi de Parseval. La loi de bioéthique a été votée en 1994, après dix ans de débats. Elle a été revotée tous les cinq ans jusqu’en 2011 sans un poil de changement. Et sur la question de la levée de l’anonymat, cela s’est joué à très peu. En octobre 2010, Roselyne Bachelot était d’ailleurs favorable à cette disposition. S’en est suivie, trois mois plus tard, une offensive parlementaire incroyable. Et le maintien de l’anonymat est passé. Depuis vingt ou trente ans, nous faisons appel à des donneurs pour les couples hétérosexuels infertiles. Ces donneurs sont des humains qui acceptent de donner du sperme ou des ovocytes de manière bénévole. Ces gens ne sont pas des étalons, ni des produits de laboratoire, mais de vraies personnes. Les receveurs sont, eux, des couples à qui l’on dit qu’ils reçoivent un don anonyme. Au départ, ils sont contents, ça les arrange. Quant aux enfants nés d’une insémination artificielle – les plus vieux sont aujourd’hui adultes –, ils se posent des questions. Ils ne cherchent pas un père, ils veulent savoir pourquoi ils ont les cheveux bruns, pourquoi ils ont de l’eczéma… Ces questions se posent pour l’adoption, mais la loi française permet désormais à ceux qui le souhaitent d’avoir accès à leur dossier d’origine dès la majorité. S’il n’y a rien dans le dossier, OK, mais s’il y a le nom des parents de naissance, on le dit. Pour certains, cela suffit. D’autres cherchent, et trouvent. En général, cela leur suffit de discuter avec leur mère ou leur père biologique, qui leur explique le pourquoi de leur abandon. Cela les conforte dans le fait que leurs vrais parents sont les parents qui les ont adoptés. Il n’y a rien de dangereux.

Vous réclamez donc cette même transparence pour les dons exercés dans le cadre d’une PMA ?

Geneviève Delaisi de Parseval. Oui. Ce que je veux dire, c’est que nous ne sommes pas des produits de ferme. Un sujet humain, né d’un homme et d’une femme, a besoin de savoir cela. Surtout, il est anormal qu’une institution le sache et ne vous le dise pas. Ces questions se posent pour le donneur, pour les parents et pour l’enfant. Ces gens se sont exprimés devant les députés pendant dix ans sans avoir été entendus.

Mais si on lève l’anonymat, n’y aura-t-il pas moins de donneurs ?

Geneviève Delaisi de Parseval. D’abord, la loi ne sera jamais rétroactive. Les gens qui ont donné resteront anonymes. Cela pourrait s’appliquer pour ceux qui donneront demain. Donneront-ils moins ? L’expérience de pays comme la Grande-Bretagne ou la Suède, qui ont levé l’anonymat, montrent que d’autres donneurs se présentent, mieux informés, plus réfléchis, et qui assument qu’à la majorité de l’enfant ou vers ses trente ans, quand il deviendra parent, celui-ci pourra demander à les rencontrer. Et pourquoi pas ? C’est un acte généreux, positif, il n’y a aucun droit ni devoir affairant à la paternité ou maternité. Les paillettes de sperme ne sortent pas d’un laboratoire, ni d’une pharmacie. Les ovocytes viennent de femmes qui ont trimé pour ça. Ce n’est pas comme du sperme. Il faut faire une induction d’ovulation (sorte de stimulation – NDLR). Respectons ces femmes. Que tout cela soit transparent, sans réification de personne. Au final, nous avons affaire à des gens qui veulent des enfants, il n’y a selon moi pas de danger. Pensons simplement aux enfants qui veulent savoir de qui ils sont nés.

Le danger, c’est le silence et le secret.

 

(Source : lhumanite.fr)

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