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26 octobre 2011 3 26 /10 /octobre /2011 15:42

Arrêté anti-mendicité : j'ai été témoin d'un double abus de pouvoir

 

Dimanche 23 octobre, 16h30, Paris rayonne de douceur. La clarté du ciel semble rendre les gens légers, heureux. Le soleil s'est installé partout. Des sonorités de tous les pays se mélangent dans un concert harmonieux. Des accents chantants, des rires, des piaillements d'enfants embaument l'atmosphère. Beaucoup d'étrangers viennent s'imprégner de notre belle capitale.

Humiliation d'un homme

Je suis loin de ma campagne bretonne, ce grouillement humain m'apaise. Nous sommes tous momentanément protégés des duretés de notre monde.

Mais la dure réalité me tombe dessus. Un artiste, face à son public dont je fais partie, nous présente des postures théâtrales. Il a un costume de la tête au pied qui rend sa prestation particulièrement gracieuse.

Soudain, deux agents de police arrivent derrière lui, lui tapotent l'épaule et lui demandent ses papiers. Ils exigent qu'il retire son costume. Ils ramassent sa petite boîte qui contient quelques pièces et le prient de venir prés de leur voiture.

La violence de leur attitude contraste avec l'ambiance « faussement » légère du moment. La scène est insupportable. Assister à l'humiliation de cet homme, devant se mettre ainsi à nu est insensé. Les personnes autour de moi ne comprennent pas cette intervention. Ce sont en grande partie des touristes qui ne parlent pas bien le français.

« Mais Madame, il mendiait ! »

Je veux alors comprendre. Peut-être que la police a ses raisons. Très poliment et calmement, je m'approche des policiers en leur demandant le pourquoi de leur intervention.

« Mais Madame, cet homme mendiait. Or un nouvel arrêté du préfet nous demande de sévir. »

Ce n'était donc pas un contrôle d'identité. Cet homme est accusé d'être « hors la loi ».

Je suis en effet informée de cet arrêté. Mais dans le cas présent, cet homme ne mendiait pas. Au même titre qu'un groupe de jeunes musiciens installé plus loin, il avait un « chapeau » pour que le public qui voulait le remercier de sa prestation puisse le faire. Je fais part aux policiers de mon étonnement.

Tout d'abord sur leur manière de faire et sur l'amalgame qu'ils font entre mendicité et prestation artistique. Ils me répondent :

« Occupez-vous de ce qui vous regarde, on est dimanche, il fait beau, allez vous promener. »

Pourquoi tant de mépris ?

Je reste très calme et leur rappelle que je suis une citoyenne qui veut comprendre et qu'ils n'ont pas à me dicter ce que je dois faire de mon dimanche.

Ils deviennent alors menaçants. Je leur demande leur numéro de matricule de policier. Ils refusent de me le donner et me demandent mes papiers. Je prends note de leur numéro et de l'heure précise de leur intervention.

Une limousine laissée tranquille

J'avais tout simplement oublié, pendant quelques minutes, la violence de notre monde, de notre société où les plus faibles sont bannis, écrasés. J'avais rêvé sous ce soleil de Paris envoûtée par ce brouhaha.

Dix minutes après, une superbe limousine blanche, à rallonge, prend place à l'endroit de la voiture de police. Elle stationne à un emplacement où il est interdit de s'arrêter. Je n'ai pas vu d'agent de police intervenir.

En rentrant chez moi, je vérifie l'arrêté en question sur Internet. Il précise le périmètre de son application, entre la place de l'Etoile et le rond-point des Champs-Elysées.

L'artiste en question se trouvait place de la Concorde, bien loin de ce champ et il ne mendiait pas. C'est donc bien d'un double abus de pouvoir dont j'ai été témoin, en plus d'un non-respect de ma personne.

Témoin impuissante mais pas résignée pour autant. J'ai envoyé une lettre recommandée au ministre de l'Intérieur.

Je garde espoir qu'à force de dire ce que l'on voit, ça permettra de prendre conscience de cette cruelle réalité qui consiste à écraser les plus faibles. Tellement facile !

(Sophie Cadel sur Rue89)

 

 

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